Fem-Powerment

Je suis en colère.

J'apprends à me laisser sentir la colère.

J'ai peur de ma colère.

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J'ai si souvent retourné ma colère contre moi. Lorsque quelque chose ne se passe pas comme je veux. Lorsque je ne me sens pas vue, pas entendue. Lorsque mes limites ne sont pas respectées, mes besoins pas rencontrés. Lorsque je ne me sens pas en sécurité.

Ma colère est valide. Mes limites ont trop souvent été franchies. Mes besoins non comblés. On m'a manqué de respect, slutshamé, abusée.

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La plupart du temps, dans ces situations, mon mécanisme naturel va venir écraser ma colère, et la transformer en tristesse, en honte. Parce que c'est pas correct, pour une femme, d'être en colère. Parce que c'est pas correct, d'avoir des limites et des besoins.

Honte de mes besoins. Honte de mes limites. Tristesse de ne pas être vue, pas entendue.

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Il ya une partie de moi qui a encore 4 ans, qui a peur, et qui a besoin qu'on prenne soin d'elle. Qui a besoin que LE MONDE EXTÉRIEUR change, pour que je puisse me sentir en sécurité.

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Cette histoire, je l'ai portée pendant si longtemps.

Je la porte encore.

C'est tellement plus facile de m'écraser face à une force externe plutôt que d'y faire face ou de me sortir de là.

C'est tellement plus simple de penser que si je suis une "bonne fille" et que je démontre des signes de faiblesse, on va m'épargner.

Réponse d'apaisement.

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Et puis j'apprends.

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Lorsque j'ai immigré de France à Montréal il ya 11 ans, j'ai eu un choc. Ici, personne ne venait me harceler dans la rue. J'ai arrêté d'avoir peur de marcher seule la nuit.

En 2013, j'ai rencontré des communautés polyamoureuses, Burners, et kinkster. J'ai participé à des soirées où j'ai pu me promener seins nus, sans me faire aborder ou cruiser. J'ai appris que je pouvais être une personne se8uelle sans pour autant devoir quoi que ce soit à qui que ce soit.

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En 2014, je suis devenue travailleuse du sekse. Et bien que ma santé mentale était au plus bas, et qu'il me soit arrivé toutes sortes d'aventures inconfortables, cela n'égalait en rien l'intensité des agressions que j'ai vécues en France. J'ai appris que j'avais bien plus de pouvoir que mes clients nus sur une table de massage. J'ai appris que le consentement est aussi valide lorsqu'on offre un service rémunéré. J'ai appris que l'accès à mon corps avait une valeur. J'ai appris que je pouvais négocier mon cadre, et quitter une situation inconfortable.

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En 2016, un homme m'a demandé mon consentement avant de me pénétrer. J'ai appris que j'avais le droit de dire non.

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En 2017, j'ai découvert les communautés consciences et les soirées de câlins, j'ai étudié le consentement, le trauma, je me suis mise à accompagner des gens, des hommes et des femmes à reprendre leur pouvoir dans leur intimité.

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En 2018, je suis devenue facilitatrice, et entrepreneure. J'ai commencé à faciliter des espaces d'exploration s0x-positive, des "safer-spaces", qui permettent de pratiquer le consentement dans les connexions intimes. J'ai appris que je pouvais créer quelque chose, être à mon compte, et que je pouvais tenir l'espace. J'ai appris que je pouvais faire ça, seule, et que je pouvais recevoir de l'aide si je demandais - et parfois non. J'ai appris à ne pas intervenir dans les expériences des gens, qu'il fallait qu'iels fasse leur cheminement tou.te.s seul.e.s, que je ne pouvais pas les sauver d'eux-même.

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En 2019, j'ai découvert que j'avais un gros trauma d'abus se7uel, et que ma perception de mes propres limites était complètement fuckep-up. J'ai entrepris un travail actif pour retrouver le chemin vers mon équilibre.

En 2020, j'ai vécu une relation D/s dans laquelle je décidais de quand et comment je voulais être touchée. J'ai appris que j'avais le droit de demander, d'être vraiment spécifique, et que cela m'apportait beaucoup de sécurité. J'ai appris que certaines personnes apprécient énormément cette clarté et que ça les sécurise.

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En 2024, je continue d'apprendre et de travailler sur moi.

Que j'ai des limites

Que mes besoins sont valides

À les exprimer

À prendre responsabilité sur la manière dont je communique les choses.

À créer ma réalité.

À fixer MES tarifs pour mon travail. À défendre le fait que mon activité a une vraie valeur. Que j'ai une vraie valeur.

À choisir qui et quand a accès à mon corps.

À dire oui, et non.

En 2024, j'apprends moi aussi à demander le consentement aux hommes avec qui je connecte. À être claire dans ce que je veux et ce que je ne veux pas. À écouter et communiquer mes besoins.

En 2024, je continue de découvrir que mon corps (physique, émotionnel, énergétique) a son rythme et ses saisons, et que ce rythme n'est pas un handicap mais une force que je peux exploiter.

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En 2024, je ne suis plus une victime. Et je suis en colère.

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Je suis en colère de toutes les fois où je ne me suis pas sentie rencontrée, et je suis restée par peur de perdre la connexion

Je suis en colère d'avoir cru pendant si longtemps que mon pouvoir me serait donné par "l'extérieur" - ma validation de moi-même, le droit de m'exprimer, ma santé mentale...

Je suis en colère de voir l'impact que notre culture patriarcale a encore sur mes comportements et ceux des femmes autour de moi

Je suis en colère de lire à quel point les femmes ont encore peur de nommer leurs besoins et leurs limites

Je suis en colère de vivre dans un pays / ville qui est à mon sens un des endroits les plus égalitaires, tolérants et s3x-positifs au monde, et qu'il yait encore des femmes qui n'osent pas nommer leurs OUI et leurs NON

Je suis en colère de me battre pour mon empowerment depuis des années, pour me sentir plus forte, pour trouver ma propre sécurité intérieure, et d'entendre mes soeurs dire que leur sécurité ou leur pouvoir vient de l'extérieur

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Je suis l'extérieur. Je créé et facilite depuis 5 ans des espaces et des containers pour supporter la pratique de cet empowerment, pour supporter l'autonomisation, la responsabilisation, le consentement actif.

En 5 ans, j'en ai vu de toutes les couleurs. Et j'ai été témoin de tellement de déresponsabilisation.

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Je suis en colère de voir le nombre de femmes qui veulent que ces espaces existent et en bénéficient, et le manque d'implication de leur part pour en assurer la pérennité et des lignes directrices qui leur conviendront

Je suis en colère de voir cette implication chez les hommes, et leur profond désir de faire du travail sur eux-mêmes pour nous rencontrer, et de me retrouver dans un boys club alors que je dirige une business fondamentalement féministe

Je suis en colère lorsque j'entends "je n'ai pas le temps", "je n'ai pas l'argent", "je n'ose pas charger plus cher", "untel n'a pas respecté mes limites et je n'ai rien dit", "quand tel truc sera différent, alors...", "je sais pas ce que je veux, j'arrive pas à me décider"

Je suis en colère face au manque de clarté, d'assertivité et d'agentivité de mes soeurs

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Je suis en colère de voir les femmes continuer à perpétrer cette culture patriarchale et donner leur pouvoir à autrui (autrui étant : les hommes, la société, la crise économique, le container, une figure d'autorité, une croyance limitante...)

Je suis en colère du manque d'engagement de nombreuses femmes envers leur propre empowerment.

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Je veux voir plus de femmes puissantes

Je veux voir plus de femmes mettre leur pied à terre et être l'expression de leurs convictions

Je veux avoir plus de femmes à mes côtés, qui tiennent le cap et montrent un exemple, et se supportent entre elles. Je veux partager mon leadership avec d'autres femmes leader

Je veux qu'on fasse cette révolution en se rappelant que personne d'autre ne peut le faire à notre place et que la force vient aussi d'être ensemble.

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C'est ça, mon féminisme.

C'est ça mon empowerment

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Où êtes-vous, les femmes ?

Quand allez-vous décider de reprendre votre pouvoir ?

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